''StratCom Public Forum, Un monde plus juste est possible'' : La conférence sur la réforme de la gouvernance mondiale


''StratCom Public Forum, Un monde plus juste est possible'' : La conférence sur la réforme de la gouvernance mondiale

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Article N°28544

''StratCom Public Forum, Un monde plus juste est possible'' : La conférence sur la réforme de la gouvernance mondiale

Paris, le 28 février 2025 – La conférence "Un monde plus juste est possible", organisée par la direction de la communication de la présidence de la Turquie à l’Hôtel Pullman Paris Tour Eiffel, a ouvert un débat important sur la réforme de la gouvernance mondiale.


Mot d’ouverture

L'événement a été inauguré par le chef de la direction de la communication de la présidence de la Turquie, qui a ouvert les discussions en insistant sur l'importance d’une gouvernance mondiale plus inclusive et transparente. Il a souligné que la paix et la sécurité mondiales ne peuvent être garanties que par une coopération étroite entre les États, les médias, les think tanks et les ONG. "Nous devons agir pour réformer l'ordre mondial, en veillant à ce que les décisions ne soient pas dictées par les seules puissances dominantes, mais par un partage plus équitable des responsabilités et des ressources à l'échelle mondiale", a-t-il déclaré. Cette vision, qui prône une plus grande inclusion de toutes les nations, a servi de fil conducteur aux débats de la journée.


Réformer le Conseil de Sécurité de l’ONU : un dilemme institutionnel entre théorie et pratique


Dans une intervention marquée par la réflexion stratégique, Oktay Tanrısever professeur du Middle East Technical University a ouvert la discussion en soulignant les défis structurels et pratiques liés à la réforme du Conseil de Sécurité des Nations Unies (CSNU). Expert en relations internationales Oktay Tanrısever a abordé le dilemme central : comment concilier la théorie de la représentativité et la pratique de la prise de décision rapide et efficace dans un contexte géopolitique complexe. Il a insisté sur le fait que, bien que de nombreux experts critiquent le manque de représentativité du Conseil, il reste un organe essentiel pour garantir la paix et la sécurité mondiales.

"Un Conseil trop large serait inefficace. Il faut un équilibre entre représentativité et efficacité", a précisé Oktay Tanrısever. Selon lui, le modèle actuel, avec cinq membres permanents dotés du droit de veto et quinze membres non permanents, permet un équilibre fragile mais fonctionnel. Il a également soulevé la question de la taille optimale du Conseil : "On ne négocie pas de la même manière à dix, quinze ou vingt-sept. Un Conseil élargi pourrait conduire à l’inefficacité", a-t-il ajouté, évoquant les tensions régionales qui risqueraient de s’intensifier si l’on octroyait des sièges régionaux.

Oktay Tanrısever a également souligné la nécessité de maintenir un pouvoir décisionnel rapide, indispensable dans des situations de crise, citant l'exemple de la pression exercée par les membres non permanents pour obtenir un cessez-le-feu à Gaza.

 

Crise de légitimité du Conseil de Sécurité : l’appel des états émergents

Alexandra Novosseloff, Présiedente de Thucydide Center, Paris II-Panthéon Assas University a approfondi l’analyse de la crise de légitimité du Conseil de Sécurité, citant le célèbre propos du président turc : "Le monde est plus grand que cinq". Elle a mis en lumière la montée des puissances émergentes, telles que la Chine, l'Inde et le Brésil, qui revendiquent une place plus équitable dans la gouvernance mondiale. Alexandra Novosseloff a également souligné les liens entre cette crise de légitimité et les défis environnementaux mondiaux, où les pays riches continuent d’imposer leurs règles sans une véritable implication des pays en développement.

Elle a plaidé pour une réforme qui inclut un transfert de technologie et une coopération renforcée entre le Nord et le Sud, afin de résoudre la crise climatique et d'assurer un avenir plus équitable pour tous. Selon elle, un véritable monde plus juste pourrait émerger si les efforts de réforme du Conseil de Sécurité se renforçaient et si les puissances émergentes jouaient un rôle plus important dans les décisions mondiales. Elle a évoqué les discussions menées lors de la COP29 à Bakou, où des solutions concrètes ont été proposées pour répondre aux défis climatiques mondiaux.

 

De nouveaux équilibres géopolitiques en gestation

Pour le Professeur Dr. Caroline Galactéros,  Présidente de Geopragma a apporté un point de vue plus réaliste sur l’évolution des relations internationales depuis la fin de la guerre froide. Selon elle, le Conseil de Sécurité a perdu son rôle central dans la gestion de la stabilité mondiale, une situation exacerbée par la guerre en Irak et l'érosion de l’autorité des Nations Unies. "Depuis 1991, après la chute de l’URSS, nous avons observé une politique de plus en plus unilatérale, dominée par les États-Unis, ce qui a paralysé le rôle des Nations Unies", a-t-elle expliqué.

Elle a critiqué l’usage excessif du droit de veto, qui empêche le Conseil de Sécurité d’agir efficacement face aux crises mondiales. "Les grands blocs de pouvoir, comme l'OTAN, agissent souvent sans respecter les principes de l'ONU", a ajouté Caroline Galactéros. Selon elle, les récents développements des BRICS et autres groupes de pays émergents, qui créent des alternatives régionales et multilatérales, révèlent une remise en question du système onusien tel qu'il existe aujourd'hui.
 

Une diplomatie stratégique plus inclusive pour l’Europe et la Turquie

Gültekin Yıldız professeur à Turkish National Defence University a insisté sur la nécessité de repenser les relations stratégiques entre l’Europe et la Turquie. Selon lui, la Turquie doit être perçue non pas comme une menace, mais comme un partenaire stratégique essentiel pour la stabilité de la région. Il a souligné l’importance d’une coopération fondée sur des valeurs universelles, tout en encourageant les pays européens à adopter une approche multiculturelle et à comprendre les spécificités culturelles des nations partenaires.

"Il faut arrêter de dépendre des plus grandes puissances pour des financements et chercher une véritable coopération, car l’objectif est de créer un monde où tout le monde gagne", a conclu le professeur.

 

La guerre en Ukraine et les fractures du système international

Ellen Wasylina, Présidente du Trocadéro Forum Institute a  évoqué la guerre en Ukraine comme un révélateur des failles du système international actuel. Selon elle, la crise ukrainienne a, encore une fois , mise à l’épreuve l’ordre mondial , le droit international , le cadre sécuritaire international, notamment l’OTAN qui a été établi après la Deuxième Guerre mondiale. 

"Dans mon livre sur l’Ukraine, j’ai vu que ce pays était la clé de voûte de cette guerre à venir en Europe . Et que l’exclusion de la Russie par l’Occident la poussera dans les bras de la Chine, comme nous l’avons constaté lors de leur déclaration commune le 4 février 2022, notamment certains efforts par des États à imposer leur propre standards démocratiques sur d’autres pays, à monopoliser le droit de déterminer le niveau des critères démocratiques respectées, de tirer des lignes de division sur une base d’idéologie , y compris en établissant des blocs exclusifs ou des alliances de convenances , démontre largement la mégarde totale, contre l’esprit et des vraies valeurs de la démocratie . Ces tentations d’hégémonie posent des menaces sérieuses à la paix et la stabilité globales et régionales et bafouent l’ordre mondial" souligne la présidente du Trocadéro Forum Institute.

 

Conclusion : Une Réforme Indispensable mais Difficile

La conférence a mis en lumière l'urgence d'une réforme du Conseil de Sécurité des Nations Unies face à l’évolution des rapports de force internationaux. Si un consensus existe sur la nécessité d’un Conseil plus inclusif et représentatif, la mise en œuvre de cette réforme se heurte à des enjeux géopolitiques complexes et à des rivalités régionales. Les experts ont souligné que pour garantir la crédibilité du Conseil, il est impératif de dépasser les intérêts nationaux au profit d’une approche multilatérale véritablement équilibrée. Une telle réforme pourrait ouvrir la voie à une gouvernance mondiale plus juste et équitable.

 


Jonathan CHASTE

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