Dans l'ombre veloutée de la nuit s'est éteinte une lumière, Maryse Condé, la plume guadeloupéenne dont l'encre a coulé à flots pour narrer les entrelacs des âmes et des terres. Née de la Guadeloupe, cette étoile littéraire, qui a cessé de briller entre le crépuscule du premier avril et l'aube du suivant (2024), a laissé derrière elle un héritage aussi riche que les terres qui l'ont vue naître.
Issue de l'écrin verdoyant de l'archipel de Guadeloupe, Maryse Condé a porté en elle, à travers les méandres de l'existence et les traversées des continents, l'essence profonde de sa terre natale. Ses œuvres, telles des lianes s'enroulant autour de l'histoire et de la mémoire, ont exploré avec une acuité singulière les récits de l'Afrique de l'Ouest, teintés des souvenirs douloureux de la traite des esclaves, mais aussi de la résilience et de la richesse d'une culture à la croisée des mondes.
Fidèle à son identité de citoyenne du globe, Maryse Condé n'a jamais laissé les frontières géographiques entraver son esprit voyageur. Dans son sillage, des œuvres où se mêlent les échos de ses pérégrinations, offrant une littérature qui, loin de se confiner aux catégorisations étroites, se fait l'écho d'une voix universelle, celle de la littérature-monde. Une voix où la Guadeloupe, bien que point de départ, n'est jamais un fin en soi mais le prélude d'un vaste dialogue interculturel.
Avec une plume qui danse entre les genres, Maryse a su dépeindre l'humanité dans toute sa complexité, offrant une tribune aux voix marginalisées, à ces âmes souvent réduites au silence dans les marges de la société. Par son écriture, elle a brisé les chaînes du silence, tissant les fils d'une solidarité qui embrasse toute la diversité de l'expérience humaine, affirmant ainsi son engagement indéfectible envers les valeurs d'égalité et de justice.
Dans l'alcôve de son univers créatif, la gastronomie se métamorphose en allégorie, où la cuisine devient un creuset de cultures, un lieu de rencontre et de fusion des identités. À travers le prisme de la nourriture, Maryse explore l'essence même de la créativité et de l'identité, nourrissant ainsi un dialogue continu entre l'individu et le collectif, entre l'ici et l'ailleurs, entre le soi et l'universel.
Dans son adieu, Maryse Condé laisse derrière elle une œuvre incommensurable, un testament de lumière qui continue d'éclairer les sentiers de la littérature. Sa voix, unique dans le concert des lettres, résonnera à travers les âges, portée par ces mots qui incarnent son essence : "Je n'écris ni en français, ni en créole. J'écris en Maryse Condé". Ces paroles, empreintes de liberté et de singularité, scellent l'héritage d'une femme dont la vie, tout comme son œuvre, a été une perpétuelle ode à l'humanité.
À la famille Condé, en ces moments de profonde tristesse, j'offre mes plus sincères condoléances. Puissent le souvenir et l'œuvre de Maryse, éclatante étoile littéraire, vous apporter un peu de réconfort dans l'obscurité du deuil. Que son esprit, ses mots, et son héritage perpétuel vous enveloppent de paix et de lumière.
Photo Jacques Sassier © Gallimard